5 vérités surprenantes sur l’intérim que chaque entreprise devrait connaître
Le recours au travail temporaire est souvent perçu comme un simple levier de flexibilité : une solution rapide pour pallier une absence ou absorber un surcroît d’activité. Beaucoup d’entreprises utilisatrices pensent qu’en signant un contrat avec une agence d’emploi, elles délèguent l’intégralité des responsabilités liées au salarié mis à leur disposition.
Cette vision est non seulement incomplète, mais aussi dangereuse.
Derrière l’apparente simplicité du contrat de mise à disposition se cache une architecture juridique complexe de responsabilités partagées. En matière de santé et de sécurité, l’entreprise utilisatrice et l’entreprise de travail temporaire forment un duo indissociable, dont les obligations sont lourdes de conséquences en cas de manquement.
Ignorer ces règles n’est pas une option : cela expose l’entreprise à des risques juridiques et financiers considérables.
Voici cinq vérités fondamentales — et souvent méconnues — qui pourraient bien changer votre manière de collaborer avec vos partenaires et d’accueillir les intérimaires au sein de vos équipes.
1. La responsabilité n’est pas déléguée, elle est partagée : le triangle de l’intérim
L’erreur la plus fréquente consiste à croire que l’agence d’intérim (Entreprise de Travail Temporaire – ETT) assume seule la responsabilité du salarié intérimaire.
La réalité est une relation tripartite entre :
- le salarié intérimaire,
- l’Entreprise de Travail Temporaire (ETT),
- l’Entreprise Utilisatrice (EU).
Dans ce triangle, les responsabilités en matière de santé et de sécurité sont réparties, et non transférées.
L’ETT demeure l’employeur légal du salarié. À ce titre, elle reste garante de sa santé et de sa sécurité, y compris pendant la mission. Elle doit notamment assurer le suivi médical des intérimaires et former ses salariés permanents à la prévention des risques.
Les bonnes pratiques encouragées par les accords de branche vont plus loin : elles prévoient la réalisation de visites de postes par le personnel de l’ETT directement dans les locaux de l’entreprise utilisatrice, afin d’évaluer concrètement les risques.
De son côté, l’entreprise utilisatrice est responsable des conditions d’exécution du travail. Elle maîtrise l’environnement, les machines, les procédures et les risques présents sur site. Elle doit donc garantir un environnement de travail sûr, au même titre que pour ses propres salariés.
Cette double responsabilité impose une coopération étroite et formalisée, notamment dans le contrat de mise à disposition, qui doit préciser les caractéristiques du poste, les risques associés et les équipements de protection nécessaires.
2. En cas d’accident grave, l’entreprise utilisatrice peut être présumée coupable
La question de la formation est un point de bascule majeur pour l’entreprise utilisatrice.
Tout intérimaire doit bénéficier d’une formation « pratique et appropriée » à la sécurité dès son arrivée. Mais pour certains postes, la loi va beaucoup plus loin.
L’entreprise utilisatrice a l’obligation d’établir une liste des postes présentant des risques particuliers pour la santé et la sécurité. Cette liste doit être élaborée après avis du médecin du travail et du Comité Social et Économique (CSE).
Même lorsqu’une entreprise estime n’avoir aucun poste concerné, elle doit formaliser cette conclusion par un état néant. L’oubli n’est pas une option.
Pour chaque intérimaire affecté à un poste identifié comme à risque, l’entreprise utilisatrice doit dispenser une formation renforcée à la sécurité, adaptée aux dangers spécifiques du poste.
Le non-respect de cette obligation a une conséquence juridique redoutable : en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, la loi instaure une présomption de faute inexcusable de l’entreprise utilisatrice.
Autrement dit, la charge de la preuve est inversée. Ce n’est plus à la victime de démontrer la faute, mais à l’entreprise de prouver qu’elle a respecté une obligation… qu’elle a manifestement négligée.
Les conséquences financières peuvent alors être considérables, via des indemnisations complémentaires versées à la victime.
3. Certains travaux sont strictement interdits aux intérimaires
Contrairement à une idée reçue, une entreprise ne peut pas confier n’importe quelle tâche à un intérimaire.
Le Code du travail interdit formellement le recours au travail temporaire pour une liste de travaux jugés particulièrement dangereux.
Cette liste, qui comprend 27 produits ou types de travaux, inclut notamment :
- les opérations sur des matériaux contenant de l’amiante,
- les travaux exposant aux poussières de métaux durs (comme le cobalt),
- certains travaux exposant aux rayonnements ionisants.
Des dérogations peuvent théoriquement être demandées à l’inspection du travail, mais la procédure est lourde et exceptionnelle, nécessitant l’avis du CSE et du médecin du travail.
Le principe reste clair : pour les travaux les plus dangereux, le recours à l’intérim est proscrit.
4. L’addition d’un accident du travail est désormais partagée à 50/50
La co-responsabilité entre l’ETT et l’entreprise utilisatrice a une traduction financière directe.
Depuis le 1er janvier 2024, le coût de l’ensemble des accidents du travail et maladies professionnelles survenus dans le cadre d’une mission d’intérim est imputé à parts égales entre les deux entreprises.
Cette règle s’applique aussi bien :
- aux arrêts de travail,
- aux incapacités permanentes,
- aux rentes éventuelles.
Chaque accident, même mineur, a désormais un impact direct sur le taux de cotisation AT/MP de l’entreprise utilisatrice.
La prévention devient ainsi un enjeu financier immédiat, et non plus une simple obligation réglementaire.
5. L’intérimaire n’est pas un travailleur de seconde zone
Pendant sa mission, l’intérimaire bénéficie de droits puissants qu’il peut exercer directement auprès de l’entreprise utilisatrice.
- Droit d’alerte et de retrait : l’intérimaire peut se retirer d’une situation présentant un danger grave et imminent, sans sanction possible.
- Accès aux installations collectives : restauration, transports, vestiaires, salles de repos… dans les mêmes conditions que les salariés permanents.
- Recours au CSE : pour toute réclamation liée aux conditions de travail, à l’hygiène ou à la sécurité.
Ces droits confirment que l’entreprise utilisatrice doit considérer l’intérimaire comme un membre à part entière de l’équipe, bénéficiant du même niveau de protection.
Conclusion
La gestion des salariés intérimaires dépasse largement la simple relation commerciale. Elle repose sur une co-responsabilité réglementée, particulièrement exigeante en matière de santé et de sécurité.
Penser que l’on peut se décharger de ses obligations sur son partenaire est une illusion coûteuse, tant sur le plan humain que financier.
La prévention doit être un partenariat actif, formalisé et anticipé, bien avant l’arrivée du premier intérimaire sur site.
Votre processus d’accueil des intérimaires est-il aujourd’hui une véritable garantie de sécurité… ou une simple formalité qui pourrait vous coûter très cher ?
